Avec une carrière dans le golf qui s’est dessinée dès les études, Denis Fabre, 53 ans, est directeur de golf depuis bientôt 30 ans. Au sein du Golf de Saint-Cloud depuis 1999, il porte également la parole de ses homologues auprès des institutions et de la FFGolf en tant que Président de l’ADGF (Association des Directeurs de Golf de France) depuis plus de 8 ans. L’une après l’autre, Denis a revêtu ses 2 casquettes pour répondre à nos questions sur sa profession.
Bonjour Denis, comment votre histoire avec le golf a commencé ?
J’ai passé un DUT appliqué á la gestion des entreprises et des administrations à Montpellier. En 2e année, on m’a proposé d’intégrer une formation liée au golf (option gestion des équipements sportifs golf). Nous étions alors en 1988, une époque où les golfs se multipliaient et la FFGolf créait cette formation expérimentale sur Montpellier, une chance pour moi. Je pratiquais du tennis et du volley à ce moment-là et j’ai donc découvert le golf.
Quel a été votre premier poste ?
Après mon service militaire, en septembre 1990, j’ai eu l’opportunité d’intégrer le Golf National en tant que directeur adjoint, au moment de son inauguration. J’en suis devenu directeur début 1992 jusque fin d’année 1998 avant de rejoindre le Golf de Saint-Cloud comme directeur adjoint pendant 2 ans puis directeur depuis 2001.
Quel bilan tirez-vous de cette année 2019 ?
Positif sur le plan des résultats sportifs mais aussi positif sur celui de l’animation golf et hors golf de nos membres. La réussite d’une structure comme la nôtre repose sur notre ouverture à 360° sur le bien être et le plaisir de nos membres (2343 membres : 1386 hommes et 957 femmes).
Le golf est la raison pour laquelle ils rejoignent le club mais ils y restent aussi pour tout ce que nous leur proposons au-delà du golf : l’école de golf, le club junior, l’Espace Forme et Bien-Etre (gymnastique, hammams, saunas et offres de soins et massages), les courts de tennis, la restauration, la boutique, les conférences, les spectacles, les soirées… Nous faisons en sorte que chaque membre de la famille passe un formidable moment au sein du club.
Faire du club un lieu de vie social est-elle une clé du développement d’un golf ?
C’est un aspect à prendre en considération et sur lequel il faut se pencher. Lors du dernier congrès de séminaire de l’ADGF à Dubaï, nous avons appris que plus de 50% de leur chiffre d’affaires est lié au « Food & Beverage”, avec des animations autour de la restauration, des séminaires, des soirées… Ce sont des éléments qui permettent de compléter l’offre golfique et de dynamiser l’activité d’un club ou d’un golf, qu’il soit associatif ou commercial. Il faut multiplier les occasions de prolonger l’expérience du golfeur au-delà de sa partie habituelle.
« Nous travaillons sur des actions et des initiatives variées pour offrir des réponses à l’aspect chronophage du golf »
Comment s’annonce demain au golf de Saint-Cloud ?
Nous recevons des chiffres encourageants sur la création de nouveaux golfeurs de la part des structures commerciales, de nouveaux licenciés. C’est intéressant car certains d’entre eux seront des membres potentiels d’un club dans les années à venir. Nous travaillons aussi sur des actions et des initiatives variées pour offrir des réponses à l’aspect chronophage du golf, au travers de nouvelles formules de jeu conviviales.
Qu’en est-il des plus jeunes dans votre club ?
On a toujours un trou générationnel. Les enfants peuvent devenir membres à 15 ans et les parents franchissent souvent le pas pour les inscrire. Mais ensuite on fait régulièrement face au « trou » des années d’études supérieures et des premières années d’installation dans la vie active. Entre 35 et 40 ans, on retrouve alors cette envie de revenir au club et de partager le plaisir de se retrouver dans un cadre familial et amical.
Quels sont vos challenges du quotidien ?
Tout mettre en oeuvre avec les moyens qui sont mis à votre disposition, notamment les moyens humains, pour que la journée du membre du club soit la plus agréable possible. Nous vendons du bonheur et je dis à mes collaborateurs qu’il faut toujours en « avoir un échantillon sur soi » ! De la qualité de l’accueil à la qualité du parcours et celle de toutes nos prestations, nos membres, en quittant le club, doivent avoir le sentiment d’avoir passé la meilleure journée possible.
Quelle est la taille des équipes au golf de Saint-Cloud ?
63 personnes travaillent au club (en dehors du restaurant, du pro-shop et du club junior qui sont externalisés). Elles sont réparties entre le terrain, le caddymaster, le starter, le practice et bien sûr l’enseignement (9 pros) pour le côté golf et ensuite les vestiaires, l’espace Forme et Bien-Etre, l’entretien des infrastructures et l’administratif pour les autres services.
La problématique de l’environnement est au coeur des débats aujourd’hui. Comment gère-t-on cela sur un golf à proximité immédiate de Paris ?
Nous sommes très sensibilisés à ces questions puisque nous nous trouvons dans un milieu péri-urbain. Les enjeux environnementaux sont à anticiper mais nous avançons également sur la biodiversité, deux aspects de nos travaux menés par le Comité sur la Responsabilité Sociale des Organisations.
Nous sommes labellisés Argent par le Muséum National d’Histoire Naturelle et la FFGolf. Nous travaillons avec OGE (Office de Génie Écologique) sur un plan d’actions en faveur de l’amélioration de la biodiversité pour les 5 prochaines années sur le golf.
Nous avons un plan de gestion arboricole par rapport au 4500 arbres que comptent le parc, nous investissons pour améliorer le système d’irrigation et nous expérimentons des méthodes d’entretien pour limiter les intrants.
Vous êtes également Président de l’ADGF depuis 2011 ?
Effectivement, j’ai intégré l’Association des Directeurs de Golf de France en 1992. J’en suis devenu secrétaire en 2006 et donc Président depuis 2011 avec des mandats d’un an à chaque fois.
Quelle est la conclusion de cette année qui vient de se terminer ?
On a poursuivi notre développement même si nous avons perdu quelques membres du fait du turnover important dans notre profession. Il se crée peu de structures donc peu de postes. Pour autant, on a la chance d’avoir une certaine transversalité dans l’organisation de notre association puisque celle-ci regroupe tout type de directeur et directrice : golfs commerciaux, associatifs et aussi beaucoup de golfs appartenant à des chaînes. Cela permet d’échanger et de partager chaque expérience sans « corporatisme » lié à son type d’appartenance.
Vous avez fini l’année avec un congrès à Dubaï ?
Ce congrès à l’étranger nous permet de travailler un peu plus en profondeur car nous avons plus de temps. Cette année, nous avions 2 thèmes majeurs : le développement du tourisme et le développement du nombre de golfeurs en France.
« chacun, à sa petite échelle, est en capacité de faire un peu plus que ce qu’il ne fait aujourd’hui pour améliorer ce sens du service. »
Pourtant le choix de Dubaï à l’heure des préoccupations actuelles peut surprendre ?
Bien sûr car cela correspond à des choses qu’on ne peut pas ou qu’on ne peut plus faire. Ce sont légitimement des aspects sur lesquels on ne peut pas adhérer en tant que gestionnaire de golf. Mais il était toutefois intéressant de savoir qu’ils réfléchissent et travaillent eux aussi sur la gestion et l’entretien des parcours de golf pour aller vers plus de responsabilité, sur les graminées par exemple.
Qu’en avez vous retiré de cette expérience?
Indéniablement, l’aspect organisationnel excellent qui est le leur. Nous étions 110 à arriver sur le golf à 7h30, nous avions notre nom sur le vestiaire, et 45 min plus tard, tout le monde était parti en voiturettes. Ils vous font passer par le pro-shop avant de jouer et avant de repartir vers votre bus. Bref, tout est pensé pour le tourisme. Certes, il y a des moyens qui ne sont pas les nôtres mais cela a été extrêmement utile parce que chacun, à sa petite échelle, est en capacité de faire un peu plus que ce qu’il ne fait aujourd’hui pour améliorer ce sens du service.
Il y a également eu l’organisation de tables rondes ?
C’est une initiative qui avait été sollicitée par les membres de l’ADGF depuis quelques temps. Sur nos congrès en France, cela n’est pas simple à mettre en place car nous nous rencontrons sur 2 jours seulement. Lors de cette semaine, cela a donc pu se faire avec un bilan très intéressant.
C’est-à-dire ?
D’abord parce que vous « libérez la parole » et que l’on se rend compte que les membres de l’ADGF plein d’idées qu’ils n’expriment que trop rarement … justement parce qu’on ne leur donne pas assez la parole.
J’avais cette inquiétude en amont que les uns et les autres ne puissent pas partager leurs bonnes méthodes. Cela n’a pas été du tout le cas. Tous ont facilement raconté ce qu’ils faisaient et qui fonctionnait, ce qu’il avaient essayé mais qui ne fonctionnait pas. Cela a vraiment été très positif. A renouveler sans aucun doute !
Quelle est la suite donnée à ces échanges ?
L’objectif est que l’ADGF ne soit pas spectateur mais aussi acteur. Par exemple, sur le “Tourisme », nous souhaitons être force de proposition auprès d’un cluster, créé à l’initiative de Pascal Grizot, qui regroupe un certain nombre de golfs à vocation touristique.
Sur l’aspect “Développement du golf », être apporteur d’idées issues du terrain auprès de la commission développement de la FFGolf. Même chose auprès de la commission “Environnement » et nos partenaires habituels comme l’AGREF qui travaillent beaucoup sur le sujet.
Pourquoi devenir membre de l’ADGF ?
La première raison est liée à l’aspect communication. Nous pratiquons un métier où nous sommes seuls 5 à 6 jours par semaine, toujours au sein du club. On sort littéralement peu de cet espace, donc on ne grandit pas assez en restant avec nos “œillères ». Cet aspect de partage et de communication est un élément fort de notre association.
Ensuite, je dirais que c’est la sauvegarde de notre métier. Vous aimez ce que vous faites et vous voulez faire en sorte que cela perdure. Vous avez envie que votre voix soit entendue auprès des institutions, et cela est possible au travers de l’ADGF.
Enfin, j’ajouterai l’opportunité de renforcer sa crédibilité personnelle en montrant que l’on fait partie d’une profession organisée et en ayant une veille à 360° sur les facettes du métier de directeur de golf.
Nous exerçons un métier très compliqué car c’est un métier de généraliste. Etre un bon généraliste, c’est avoir une connaissance sur de nombreux domaines.
En conclusion, quels sont les enjeux de demain ?
Clairement l’environnement. L’aspect environnemental est Majeur : comment jouera-t-on demain ? sur quels greens ? comment va-t-on poursuivre l’exploitation de nos parcours ?
Et il y aussi la question du développement de la pratique : est ce que l’avenir est aux 12 trous comme le dit Jack Nicklaus ? comment va-t-on accompagner le mouvement pour que les joueurs continuent à avoir envie de jouer au golf, peut-être de façon différente ?