Issu d’une famille de golfeurs passionnés (joueurs pros, journalistes à Golf Magazine), Christophe Semo a grandi avec la petite balle blanche et s’est dirigé initialement vers le métier de greenkeeper. Pourtant, les aléas de la vie vont le conduire à créer son atelier de clubmaker et gérer le pro-shop de Valescure où il officie désormais depuis plus de 20 ans. Ils ne sont qu’une cinquantaine en France avec cette double casquette, rencontre avec un artisan passionné.
Bonjour Christophe, comment es-tu devenu clubmaker/fitteur ?
A l’âge de 12 ans mon premier job était de refaire les ligatures des bois Persimon, puis le caddy-master de Valescure m’a appris à changer des grips. C’est à 24 ans que j’ai appris le métier de clubmaker dans l’atelier de Bruno Leguillon (fondateur de Golf des Marques – ndlr) et là j’ai trouvé ma voie.
Comment es-tu arrivé à Valescure ?
En 1995, j’ai créé ma société SEGOLF (atelier, réparations, clubs sur mesure, fitting…) sur le golf de Nice. Trois ans plus tard, le propriétaire du golf de Valescure m’a contacté car il avait besoin de quelqu’un pour s’occuper du pro-shop. J’ai accepté le challenge, en y transférant mon atelier cela fait donc 22 ans que j’y suis implanté.
Avec les évolutions régulières de matériel, est-ce qu’il y a des formations disponibles ?
Non. Le clubmaking est une niche dans un sport de niche. Je me souviens qu’après mon apprentissage chez Golf des Marques, je suis allé pendant plusieurs années au PGA Show d’Orlando où je faisais le tour des clubs de golf voisins. J’allais voir les clubmakers dans leurs ateliers et je leurs demandais : « je suis français, je peux observer votre travail« . Et à mon retour, je pratiquais les techniques vues là-bas.
Comment définirais-tu ton métier ?
Selon moi, le clubmaking est là pour apporter du confort. La grande majorité des golfeurs jouent avec du matériel inadapté, chaque personne a son propre swing. C’est un métier où il faut être à l’écoute des attentes du joueur, dialoguer, analyser la morphologie, diagnostiquer afin de définir les besoins de ses clients. Je suis un artisan passionné.
Comment cela se passe concrètement ?
Après avoir étudié les besoins du joueur de golf, j’accompagne la personne sur le practice qui a l’avantage d’être à 100 mètres de mon atelier. La différence avec un fitting en cage, c’est que je peux analyser et visualiser bien plus facilement la trajectoire complète des balles, ce qui est bien mieux pour le travail à effectuer ensuite sur les clubs.
Quels sont les clubs pour lesquels tu es le plus sollicité ?
Dès le lundi matin, ce n’est pas la peine de me dire quelle marque a gagné la veille ! (rires) Les golfeurs arrivent à la boutique en me demandant le driver ou le putter vu à la télévision pendant le week-end. Mais blague à part, la demande majoritaire de fitting reste sur le driver, plus un ou deux fers, principalement les wedges. Rares sont les golfeurs qui viennent pour un sac complet.
» avoir certains clubs adaptés à son jeu
et d’autres qui ne le sont pas n’aident pas à la performance
Question de prix ?
Il faut dire, en ce qui concerne le clubmaking, que les prix dépendent du choix des shafts, des têtes ou des grips. Le montage est compris dans le prix du matériel. Pour un fitting tout dépend de la durée de la séance. Bien sûr, j’ai conscience que le coût peut être un frein mais pourtant, avoir certains clubs adaptés à son jeu et d’autres qui ne le sont pas n’aident pas à la performance.
Est-ce que les clients repartent toujours avec le club ou la marque qu’ils ont en tête ?
Si celui-ci a une idée bien précise, oui c’est le cas généralement pour la marque. Pour le modèle, c’est différent. Un client peut arriver et demander des lames mais suite à l’analyse au practice et avec des outils tels que le Foresight sport (concurrent de Trackman – ndlr), on peut lui démontrer qu’il pourra se perfectionner et qu’il s’amusera bien plus avec des clubs adaptés.
Et pour celui qui ne sait pas ?
Je travaille essentiellement avec 4 marques, je prépare une tête de chaque club et je demande au client de taper pour connaitre ses sensations. Même s’il arrive que certaines personnes aient des a priori sur une marque par rapport à une autre, les gens m’écoutent et me font globalement confiance pour suivre mes recommandations.
La fidélité existe-t-elle ? Si un golfeur a modifié un club, revient-il ensuite pour d’autres ?
Selon l’adage, l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Si le golfeur joue bien de suite avec ce qu’on lui a prescrit, on est excellent. Evidemment, si c’est l’inverse, on a droit à une mauvaise publicité gratuite 🙂
Les gens peuvent revenir nous voir mais la fidélité n’existe plus au sens exclusivité. L’arrivée d’Internet y est pour beaucoup naturellement.
La technologie a permis de faire évoluer le matériel. Est ce que ton travail ou les techniques ont changé aussi ?
Le fer moulé d’il y a 30 ans qu’on ne pouvait pas bouger se lie un peu plus facilement. Les matériaux aujourd’hui sont mieux à travailler mais d’un autre côté, les shafts sont de plus en plus légers et parfois plus sensibles à manipuler.
Quel type d’ajustement sur les clubs pratiques-tu le plus ?
En volume, c’est certainement le changement de grips, puis le réglage du lie. Il faut savoir que tous les clubs que l’on reçoit sont sur du standard américain donc très « upright » et au vu de notre clientèle européenne, c’est donc peu adapté. Pour les marques nippones, celles-ci sont un peu plus flat donc il y a un peu moins de travail à faire.
Combien de clubs fais-tu par an ?
Tout confondu… Je dirais que je vends environ 150 séries de clubs, le double en driver comme pour les bois de parcours. Mais je ne dépasse pas 200 putters ! Ce qui est hallucinant. Pour ce qui est des grips c’est la même chose. Je ne les change pas autant de fois sur les putters qu’il faudrait. Même lors d’une journée de démo où, en moyenne, on va vendre une quinzaine de drivers, 10 bois de parcours, 5 hybrides, 6 séries, 2 sandwedges pour un putter !
Les chiffres sont pourtant établis que le petit jeu représente la moitié des coups…
Par exemple, au mois de mai dernier, pour la première fois « un short game day » a été organisé uniquement basé sur le wedging et le putting. On a eu moins de monde que sur une démo traditionnelle, j’ai donné de nombreux conseils et j’ai réussi à « convertir » quelques personnes mais finalement peu par rapport à d’autres types de démonstration.
Mon objectif en 2020 au niveau de la boutique est de travailler cette partie du jeu. Si l’on prend les putters sur les circuits pros, il n’y en a pas 2 identiques. Ils sont tous customisés, personnalisés donc il y a de quoi faire.
» le driver idéal pour un homme est un driver de femme
En parlant des pros, je trouve que ceux-ci poussent de plus en plus l’amateur dans un challenge permanent à la distance. Est-ce que tu le constates ?
Clairement, pour une grande majorité des golfeurs, l’objectif c’est de taper loin. Il y a ceux qui me demandent d’enlever 2 degrés à leur loft pour gagner 4m, ou ceux qui me demandent d’ajouter du plomb dans la tête de club pour taper plus fort sur la balle. Et pourtant la solution est d’arriver plus vite, pas plus fort ! A mon sens, et je vais peut être surprendre, le driver idéal pour un homme est un driver de femme, avec un club plus léger, plus court, plus souple, il font des meilleurs drives.
Sais-tu combien de clubmakers vous êtes en France ?
Sur le pourtour méditerranéen, les « fitteur et clubmaker » sont très peu nombreux comparés à la région parisienne ou sur la côte basque. En France, je dirai peut-être une cinquantaine avec cette double spécialité.
Est ce que vous vous rencontrez et échangez les bonnes pratiques ?
Malheureusement non. C’est un marché très petit et assez confidentiel. Il n’y a pas vraiment d’échanges entre nous, c’est assez symptomatique de la France et c’est pour cela que nous n’avons pas de reconnaissance internationale. Pourtant, dans tous les métiers du golf, on aurait tous à gagner à le faire pour progresser ensemble. D’autant qu’un golfeur est tellement difficile à contenter ! 🙂