Nicolas Desprez a de la suite dans les idées. Passionné de sports dès son plus jeune âge, il se voyait volontiers journaliste sportif. Finalement un cursus scolaire axé sur le commerce et le marketing lui conviendra mieux. Fan de basket, Nicolas a toutefois décidé de travailler pour son autre sport favori, le golf, en tentant l’aventure chez les marques. De Mizuno à Honma, en passant par Nike, retour sur son parcours et son métier.
Bonjour Nicolas, alors pourquoi ce choix du golf ?
J’ai toujours été intéressé par le sport, toutes disciplines confondues, mais j’ai pratiqué vraiment activement le basket puis le golf car mon père jouait un peu. Et puis en 1997, j’ai vu Tiger Woods arriver et gagner le Masters. Cela a été un réel déclencheur. C’était décidé, je voulais évoluer dans le milieu du golf. Aussi, immédiatement après mes études (IUT techniques de commercialisation et une année de spécialisation en marketing), j’ai envoyé des candidatures spontanées chez toutes les marques de golf.
Et l’hameçon a mordu ?
Oui, fin 2002, je suis approché par Mizuno dont la filiale française cherchait un représentant pour développer un nouveau marché : Belgique et Luxembourg. Après discussions, j’ai finalement démarré en 2003, à 22 ans, comme représentant exclusif de la marque sur ce secteur. Il faut savoir qu’à l’époque les marques emploient majoritairement des agents commerciaux multi-cartes et j’ai fait partie de cette nouvelle stratégie qui consistait à recruter des représentants dédiés à la marque.
Comment s’est passé ce début de carrière ?
J’ai essuyé les plâtres en faisant pas mal de kilomètres pour des résultats ont mis un peu de temps à être probants ! 🙂
Il faut dire aussi que je n’avais pas tout à fait le même profil que beaucoup d’autres de mes confrères qui ont souvent débuté dans un magasin de golf ou au rayon golf d’une enseigne, ou bien ils ont attaqué comme démonstrateur ou en back office pour les marques. Mais au final, je suis resté 3 ans sur le marché belge avant de prendre en charge ensuite du secteur grand Sud-Est pendant 7 ans.
» Nike voulait vendre le golf comme un sport à part entière
avec une mise en avant de ses athlètes
Cela nous amène à 2013 ?
Exactement, septembre 2012 précisément. Depuis quelques temps, Mizuno opérait des changement de stratégie et de management qui me correspondaient moins. Ce milieu étant un microcosme, j’avais eu l’occasion de croiser le directeur commercial de Nike Golf qui cherchait réellement à se développer à ce moment là et, de fil en aiguille, j’ai été recruté pour m’occuper du secteur Nord-Est.
D’autant plus séduisant pour un fan de basket et de golf…
On peut même dire un rêve qui devient réalité puisque la marque est associée à mes idoles de Michael Jordan et Tiger Woods. En plus, j’ai toujours eu une fascination pour le marketing et la communication, donc avec Nike, je touchais un peu le « graal ».
Nouvelle marque mais le job reste le même ?
Oui et non car cela me faisait découvrir aussi de nouveaux produits avec le textile et les chaussures. A l’époque chez Mizuno, cela se concentrait sur les clubs et les sacs. Il y a bien eu quelques vêtements de pluie, et même des chaussures mais assez paradoxalement, Mizuno a abandonné ce type de produits pour ne miser que sur les clubs, ce qui était une stratégie à l’opposé des autres marques concurrentes qui justement développaient ces gammes.
Et côté philosophie d’entreprise ?
Ce qui m’a beaucoup plu, c’est le fait que Nike voulait vendre le golf comme un sport à part entière avec une mise en avant de ses athlètes comme Tiger et McIlroy, qui a signé chez eux dans les semaines suivant mon arrivée. La vision de Nike était plus moderne en créant des produits de plus en plus « fités », des chaussures qui ressemblaient de plus en plus à des chaussures de sport, avec l’utilisation des nouvelles technologies. Il y avait aussi un certain avant-gardisme dans la stratégie commerciale avec moins de magasins partenaires pour privilégier les meilleurs clients, ceux qui croyaient aux produits et à la marque.
A l’été 2016, Nike décide d’arrêter pourtant la production des clubs…
Cela a été un coup assez dur, d’autant plus qu’on était sur une pente ascendante en Europe avec des bons produits qui se vendaient de mieux en mieux et avec une vraie demande. On a su a posteriori que cette activité était calée sur la carrière de Woods, et par conséquence sur le marché américain (– 8% en 2015 – ndlr), peu importe le CA de l’Europe/Asie qui ne représentait qu’une part minime dans les résultats mondiaux.
Du coup, nouveau changement de marque ?
Encore une fois, par le réseau, j’ai su qu’Honma arrêtait les ventes via distributeurs pour créer une filiale en Europe qui serait basée en Suisse avec la constitution d’une équipe française. J’ai été contacté en amont et j’ai démarré en septembre 2017.
Avec un retour aux produits asiatiques…
Certes, à la différence près que j’abordais une nouvelle facette des marques de golf en touchant une gamme « luxe », très premium. Et le challenge se situait aussi dans un secteur géographique beaucoup plus conséquent, qui va de Brest à Orleans au Nord et de Biarritz à Montpellier au Sud. Le directeur commercial s’occupe de Paris et alentours, et le 3e a en charge la partie Est de la France du Nord au Sud et la Suisse Romande.
Qui sont vos clients ?
Chez Honma, ce sont des magasins spécialisés à 90 %. le reste est représenté par quelques pros-shops dans des golfs plutôt haut de gamme. Pratiquement 50% du chiffres d’affaires est fait avec Paris et la région parisienne. J’ai un secteur plus homogène si on compare, par exemple à mon homologue de l’Est qui qui a des zones de potentiel plus denses sur lesquelles s’appuyer comme la Suisse Romande, Monaco et la Riviera.
Est ce que ce matériel se vend différemment ?
Oui, absolument. Pour plusieurs raisons dont la principale est bien sûr le prix, car en conséquence un prospect s’attend et requiert que l’on passe plus de temps avec lui. L’offre « démo » chez nos clients est aussi moins large que pour les autres marques donc avec moins de matériel à disposition. Le consommateur a envie d’être fitté avec la personne qui a la casquette Honma. Et, comme nous n’avons pas de démonstrateurs, cela fait partie de notre métier de faire des fittings autant que de la gestion commerciale et du suivi clientèle. La démarche est différente car le client veut recevoir un service en rapport avec l’investissement qu’il s’apprête à faire, d’autant plus que nous avons moins de revendeurs et il a donc fait plusieurs dizaines de kms parfois pour avoir « accès » à la marque.
» un joueur plus jeune et puissant trouverait son compte beaucoup plus qu’il ne le croit dans du matériel léger
Faut il être un bon joueur de golf pour faire ce métier ?
Ça dépend où vous mettez le curseur. Au niveau de la gestion commerciale, non. Au niveau du fitting, il faut être golfeur, c’est sûr. Les démonstrateurs/fitteurs des marques « classiques » ont en général un index très bas. En face un bon joueur, par exemple classé 1 d’index, je pense qu’il ne le prendrait pas mal que je le conseille sur son matériel car il n’en est pas un spécialiste comme moi. Maintenant, en face d’un joueur moyen/débutant qui a du mal à être régulier lors des essais, cela peut nous arriver de donner un conseil technique ou 2, sans pour autant changer le swing de la personne bien sûr, pour aider à la vente. En ça, il faut sans doute donc un bon niveau de golf.
Honma a signé Justin Rose, est ce que cela a un impact dans le choix d’un consommateur ?
Même si c’est toujours difficile à mesurer mais cela a réellement un impact. Il faut dire que cette signature s’est aussi accompagnée d’une baisse de prix sur notre gamme T-World pour se retrouver dans la moyenne du marché des clubs. On a aussi eu la chance que la signature de Rose a coïncidé avec son statut de n°1 mondial, en passant de Taylor Made, considérée plutôt n°1 sur le circuit, pour une marque quasi inconnue du grand public. Cela a donc forcément frappé les esprits. Si le n°1 mondial décide de faire un tel choix, cela entraine beaucoup de curiosité chez les acheteurs potentiels.
Commet définirais-tu les particularités des clubs de marque asiatique par rapport aux marques américaines ?
Chez Honma, on est les seuls à voir le club de golf comme un tout, on est les seuls à fabriquer nos propres shafts et nos propres têtes de club dans la même usine. Côté R&D, on pense donc le club du début à la fin. Ensuite, avec nos confrères de chez XXIO, nous sommes des précurseurs sur les shafts graphite très légers et très stables. Et, on constate que de plus en plus de joueurs de tous niveaux recherchent des produits qui allient légèreté, performance et confort. C’est sans doute la conséquence d’une population vieillissante mais je dirai toutefois qu’un joueur plus jeune et puissant trouverait son compte beaucoup plus qu’il ne le croit dans du matériel léger.
Mais les bons joueurs semblent plutôt préférer l’acier, non ?
Quand on vient de l’acier, avec quelque chose d’un peu plus lourd et raide, on pense que le graphite ne peut pas être du tout adapté car cela va être forcément trop léger, trop souple. Alors oui pour la légèreté, c’est sûr, mais la souplesse, elle, est vraiment relative chez nous. Par exemple, avec un shaft regular bien conçu, on peut avoir une tenue de balle identique à ce qu’on obtient avec un acier lourd… excepté qu’avec ce dernier, il faut s’employer deux fois plus en terme de physique ! 🙂
Que représente Honma en parts de marché en France ?
On est présent depuis peu dans les études menées par Golf Data Tech mais je crois que fin 2018 nous étions à 6 % de parts de marché sur les fers. Pour nous, c’est plutôt positif car c’est le meilleur score en Europe. Il est possible que sur Paris, ce % soit même plus élevé. On vient d’ailleurs d’y ouvrir notre première boutique Honma sur 35 m2, en partenariat avec GolfPlus.
Que dirais-tu à un jeune qui voudrait faire ce métier ?
Cela fait partie de ces métiers peu évidents sur un plan personnel car c’est beaucoup de déplacements, de kilomètres, de nuitées à l’hôtel et parfois aussi plusieurs déménagements. Il faut savoir être très mobile et savoir s’adapter rapidement. Il faut s’attendre, comme tous les activités commerciales, à vivre au quotidien avec la pression des chiffres bien sûr mais aussi quelles que soient ses performances accepter d’être dépendants des stratégies de ces grandes marques.
Dans le même temps, j’ai cette chance de lier travail et passion, en évoluant dans un cadre relax en terme de relations humaines professionnelles et de la tenue vestimentaire notamment : le costume/cravate y est banni ! 🙂
C’est un métier où l’on a beaucoup d’autonomie, qui demande l’utilisation fréquente de l’anglais et où on a la chance, par moment, d’avoir accès à de magnifiques parcours et/ou resorts lors de meetings continentaux. C’est aussi la possibilité de rencontrer des joueurs professionnels pour échanger avec eux sur leur expérience.